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Archive for février 2011

On peut observer une grande perméabilité entre la cuisine de rue et la cuisine familiale quotidienne. C’est la raison pour laquelle la restauration « hors domicile » est si florissante au Vietnam. Hormis le fait que les trottoirs de Saigon offrent à toute heure le mets dont on a envie pile au moment où l’on en a envie, le ballet des vendeurs de rue révèle la vie des différentes populations qui peuplent la ville : étudiants, cadres, ouvriers, jeunes et vieux, riches et pauvres ont tous leur rituels de dégustation, leurs lieux de prédilection, ceux où ils se mélangent et ceux qu’ils ignorent. Combien d’heures ai-je passé aux alentours du  Square Alexandre de Rhodes et Place de la Cathédrale, à observer ceux qui y trainent, y passent, y mangent, y boivent…de l’aube au crépuscule et même plus avant, les vendeurs de rue se succèdent pour proposer les mets adéquats à la situation du moment : petit-déjeuner, déjeuner, en-cas, apéritif, dîner, fin de soirée, début de la nuit, milieu de la nuit…chaque moment justifie sa gourmandise ou son besoin en énergie. Cette fameuse cuisine de rue vit chez les viet-kieu dans leur cuisine familiale uniquement. C’est en ce lieu que se concentrent les 24h de la street food de Saigon, ses vibrations, sa richesse et mes envies à assouvir.

La cuisine de rue révèle aussi une grande partie du Vietnam. De la manière dont ce pays a traversé les siècles et l’Histoire.

Je partage aujourd’hui la recette des yaourts tels qu’on les trouve dans la rue, sur les trottoirs de Saigon dont vous avez ici un aperçu aussi…J’y vois de l’ingéniosité par la récupération du procédé de fermentation, un sens de l’économie par l’optimisation des ingrédients utilisés, de la mémoire, car les yaourts sont un héritage de l’Indochine (il n’y a d’ailleurs pas de mots typiquement vietnamien pour yaourt), et enfin et toujours, de la gourmandise car ils sont à la fois légers et rassasiants.

Si pendant vos voyages, vous rencontrez des pots en verres fermés par un film plastique et un simple bandeau élastique, voici ce qu’ils contiennent et comment ils ont été faits :

Ingrédients :

– Env. 400ml de lait concentré

–  700 ml d’eau à 60°

– 350ml d’eau froide ou variante : 350 ml de lait froid

– 1 yaourt entier (pour les ferments lactiques)

Recette :

Mélangez tous les ingrédients

Versez-les dans des pots. Si vous n’avez pas de couvercles, une double couche de film plastique retenue par un bandeau élastique convient.

Disposez les pots dans une cocotte minute, versez-y une eau à 60°. Fermez la cocotte, si possible, laissez la dans un endroit réduit et clos (ex : four) pour éviter une trop grande déperdition de chaleur. Laissez reposer 8h et réfrigérez.

Vous pouvez aussi les déguster à la vietnamienne, dans un grand verre avec plein de glace pilée…

Vous pouvez également  les servir en dessert, toujours dans une coupe avec de la glace pilée et :

– un mélange de fruits

– un coulis de mangue ou de fruits rouges

…et voilà que vous y êtes un peu…

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…me dit-Elle alors que nos mains étaient plongées dans la réalisation d’un mets où patience et précision le disputaient à l’expérience et l’habileté. Sa réflexion a éveillé mes souvenirs d’ « avoir ou être » d’Erich Fromm. Il ne suffit pas d’avoir des enfants pour être parents, d’avoir du talent pour être artiste, d’avoir accumulé pour être riche, ou plus simplement d’avoir pour être.
A un certain stade de mon travail de mémoire,  j’ai eu le réflexe un peu académique et rassurant d’accumuler par le nombre : écrire les recettes familiales, maîtriser les techniques, écouter les histoires petites et grandes, découvrir les récits d’hier, comprendre les théories autour de l’alimentation, la transmission et le goût, effectuer des recherches sur le rôle de la cuisine dans la culture vietnamienne, empiler les ouvrages culinaires…
Pour arriver au constat que même en maîtrisant le grand livre de la Cuisine d’un chef triplement étoilé, je ne serai jamais ce chef triplement étoilé.
Alors entre la théorie pure et parfaite et ce qui arrive aux doux palais de nos bien-aimés?
Entre les deux, la transmission, l’appropriation, les essais multiples sans chance de débutant, le plaisir de se lancer sans connaître le résultat, la crainte de n’être pas à la hauteur, et surtout une envie inaltérable de continuer à faire vivre sa propre idée du goût.
Peut-on fidèlement répliquer une recette? La part de soi qu’on y met n’altère-t-elle pas avec le temps celle qui nous a été transmise? La manière dont nous la transmettons n’ajoute-t-elle pas un écart avec celle que nous avons reçue?
Le goût de nos mères deviendra-t-il le nôtre pour nos enfants?
A quels détails tient le fil ténu qui rattache une recette au patrimoine gastronomique familial?
En ce qui me concerne, il tient à la mémoire des échanges, aux tendres souvenirs de mains qui se croisent et se touchent dans le travail d’une pâte, à un ustensile tendu vers moi « pour voir si j’ai vraiment compris », à un regard qui évalue avec bienveillance, à des phrases presqu’anodines qui contiennent parfois tout le secret, à la confiance qui m’est accordée que je maintiendrai le savoir-faire vivant.  Alors au-delà de la technique, de la chimie des éléments, et des gestes pesés et mesurés, l’émotion ravivée devient mon meilleur guide, traçant le chemin jusqu’à la table.

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…Pauline said to me. I must admit I wasn’t sure what to expect but I was honored and happy that she was willing to share this recipe her mother cooks for every Chinese new year celebration.

So when we got together to make those dumplings « de rêve » to celebrate the year of the Cat AND the year of the rabbit, I took a great pleasure watching Pauline going through her memories of her mom’s recipe, adding just the right pinches of all the appropriate seasonings that would turn her « homemade fried pork dumplings » into the dumplings we will now dream about…

Pauline totally changed the prejudiced views I held on fried dumplings.

1) I thought they were just meat and…meat

But they turn out to be meat and a handful of cabbage, a spoonful of fresh ground ginger, a spoonful of thinly sliced green onions, a spoonful of ground dried shrimps, and pinches of salt, sugar, pepper, oyster sauce, soy sauce, and sesame oil. A real bouquet :

2) I thought they would look like small shapeless bags…

Again, talent lies in the detail :

3)…and deep fried

Cooking proper homemade fried pork dumplings is very subtle. It all starts with 30-sec of frying on the « flat side of the dumplings ». Then just add a little bit of water and cover to let the steam cook the filling. Then leave the water out and fry again for 30sec. The dumplings then are cooked inside, melting and crusty just on the flat side…

Pauline leaving extra water before final stage

Dip in soy sauce to which you can add thinly sliced green onions and chili pepper.

The steam is making the dumplings shiny

A few indications :

  • The envelops for dumplings can be purchased in the frozen department of Asian groceries
  • The ingredients are hand-mixed, it slightly changes the texture compared to a machine-mixed filling
  • Handfuls, spoonfuls and pinches mentioned above are appropriate for 400g of chopped meat
  • The recipe came with a way to keep the kids’ hands full :

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…me dit une amie alors que nous étions en train de composer le menu du Nouvel An vietnamien / chinois. Je dois avouer que je ne savais pas trop à quoi m’attendre mais la seule perspective de pouvoir partager avec elle une recette traditionnelle de sa mère me suffisait amplement.

Nous nous sommes donc retrouvées à cuisiner ce repas de Nouvel An et j’étais assez émue de la voir parcourir ses souvenirs, pour retrouver les bonnes proportions de chaque ingrédient, pour s’assurer que les recommandations qu’elle avait entendues plusieurs fois, sans qu’elle y prête vraiment attention, avaient bien été respectées. J’étais honorée d’assister à « la première fois qu’elle fait ces raviolis elle-même ». Je sais et j’apprécie la valeur de tous ces gestes reproduits par la mémoire et l’affection.

Ce que je ne savais pas, c’est l’engouement que ces raviolis auraient sur ma maisonnée, moi y compris.

Mes préjugés sur les raviolis frits ont été totalement renversés.

Préjugé 1 : Ce n’est pas que de la viande

C’est de la viande certes, mais avec une poignée de chou blanc haché, une cuillère à soupe de gingembre frais émincé, une cuillère à soupe de feuilles de ciboule, une cuillère à soupe de crevettes séchées pilées, quelques pincées de sel, sucre, poivre, sauce d’huître, sauce soja et un filet d’huile de sésame. Un vrai bouquet :

Préjugé 2 : Ils n’ont pas de formes et sont assez compliqués à former

Le talent est dans le détail :

Préjugé 3 : ils sont frits dans l’huile

La cuisson des raviolis maison est subtile. On commence par faire frire le ravioli sur sa base pendant 30 secondes. Puis on rajoute 5 mm d’eau et on couvre pendant 3 min pour que la cuisson se fasse à la vapeur. Puis on retire l’eau et on laisse le ravioli frire sur sa base pendant 30 secondes. C’est prêt : les raviolis sont cuits à l’intérieur, fondants et juste craquants sur un côté…

Pauline retire l’eau de cuisson avant la dernière étape

Le meilleur accompagnement est une sauce soja et des feuilles de ciboule émincées et du piment.

La vapeur d’eau fait « luire » les raviolis

Quelques précisions :

  • Les enveloppes à raviolis se trouvent dans le rayon surgelés des épiceries asiatiques.
  • Les ingrédients sont mélangés à la main, ce qui donne une texture plus soutenue que si tout était mélangé au robot
  • Les poignées, cuillerées et pincées cités dans la recette correspondent à 400 g de viande hachée environ
  • Voici comment on peut occuper les enfants pendant ce temps :

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De son passé au Vietnam, il reste aujourd’hui quelques photos, des souvenirs enfouis mais surtout, une cuisine subtile et équilibrée qui garde vivante la mémoire d’un pays qu’elle qualifie volontiers de paradis perdu. Si le silence a toujours servi de rempart contre les résurgences non annoncées de souvenirs enfouis, son rapport à la cuisine a toujours dévoilé un attachement fort à son pays d’origine et une nostalgie invaincue. 40 ans de vie française et pas une concession n’a été faite sur sa façon de cuisiner, de partager un repas, de choisir ses ingrédients, de fêter les rituels de son pays en saveurs. Elle parle peu et nourrit sans relâche. Elle m’a donné la vie et ça c’est une belle histoire.

Elle est partie avec ses souvenirs. Son dernier paysage ressemblait à la vue depuis sa chambre, au « Couvent des Oiseaux », disait-elle. Chaque dimanche, elle cuisinait pour nous, les enfants, les mêmes plats savoureusement simples, tellement simples qu’on ne pouvait même pas imaginer qu’il en existe une recette. Tellement habituels qu’on n’imaginait pas que cela pouvait s’arrêter. Tellement pleins d’Elle qu’on n’imaginait pas les plagier. Les murs de sa maison portaient les odeurs de sa douce cuisine. La porte franchie, nous nous jetions dans ses bras, puis sur ses casseroles, pour en soulever le couvercle et s’assurer que nous étions bien attendus, avec nos plats d’enfants. Puis bien évidemment elle est partie. Avec ses souvenirs et ses saveurs. Depuis 10 ans, je cherche son goût, j’envoie mère et tantes à la recherche de la recette qui la fera revenir. Bien évidemment elle ne reviendra pas, mais elle m’a passé le feu et ça c’est une belle histoire.

Son cou émerge gracile de son buste menu et son port de tête altier contraste avec le regard qu’elle protège de ses longs cils, contraste avec sa voix basse bien que légèrement rauque. Ses mains sont incessamment affairées, sans l’ombre d’une précipitation. Ses mots sont pleins : de sagesse, de savoir, de vie, de trésors, de souvenirs. Ses intentions généreuses : transmettre, donner, expliquer, accompagner, insuffler. Aussi face à moi sur notre Terre, et face à ma recherche de savoir, et de savoir-faire à transmettre, elle est pleinement présente. Prendre la suite n’est pas « une petite histoire » comme elle dit. C’est important, même si on pense pouvoir aisément vivre sans. Elle m’a passé le flambeau, et ça c’est une belle histoire.

Leurs petits doigts agiles pilent, découpent, versent, émincent, mélangent, caressent, essaient. Leurs sens encore nouveaux, hument, touchent, goûtent, regardent, jugent et décident. Ils apprennent, ils reproduisent, ils écoutent, ils questionnent, puis agissent à leur manière. Mais déjà ils savent que la cuisine n’est pas « une petite histoire » et d’ailleurs, lorsqu’ils cuisinent, c’est leur affaire. Ils connaissent le nom de tous les plats qu’ils dégustent, savent ce qu’ils contiennent, rêvent d’aller les découvrir en V.O. , ont déjà l’usage des herbes et des condiments pour ajuster les plats à leur goût. Ils cuisinent peu mais commentent beaucoup, ne savent pas vraiment encore faire mais savent déjà comment faire…ils parlent de moi en disant qu’ « Elle » leur fait aimer le Vietnam à travers sa cuisine, et ça c’est mon histoire.

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